Rêvant d'une dernière nuit blanche


Une femme s’endort dans un lieu hors du temps, rêvant d’une dernière nuit blanche. Dehors, l’univers se déréalise et involue, rattrapé par l’entropie. Les images sont celles de son sommeil, de sa rêverie et de la fin d’un monde.
Le soir du 31 décembre 2010, j’emmène ma compagne à l’hôtel Chinagora d’Alfortville, où je viens d’achever le tournage du long-métrage documentaire Maàlich. Moi qui d’ordinaire arpentais les abords extérieurs de l’hôtel, je vais cette fois enfin y pénétrer : je loue une chambre pour y passer le réveillon et découvrir avec elle l’intérieur de cet endroit qui m’a aimanté des mois durant.

Les lieux me sont familiers et partout, pourtant, règne une inquiétante étrangeté. Certains repères ont disparu. Ma longue présence sur son parvis m’avait laissé croire à une forme d’éternité et j’ai la révélation d’une finitude. J’en ressens une profonde mélancolie. Je charge des pellicules périmées dans mon SX-70 et tire des instantanés des lieux et de ma compagne, curieux des conséquences qu’auront la péremption sur les motifs. Sans le savoir, je fixe un présent déjà mort.

Lorsque je découvre les photos, je m’aperçois que la pellicule a voilé les images et que ce voile les propulse vers le passé. Contemplant l’une d’entre elles représentant ma compagne endormie, j’imagine qu’elle rêve à cet espace en déliquescence et à une nuit sans sommeil qu’elle y aurait passé avant sa disparition. Je réalise que ces photos sont mon adieu à une partie de ma vie, que je laisse mourir dans cet endroit.










Série de 45 polaroïds pris avec un SX-70 sur pellicules périmées